Katalov — Radiatormania
2012
Electro-clash
Kiev, Ukraine
Un peu chic mais le contraire de chic. Ce mot du rappeur Jack Parow pour décrire le mouvement contre-culturel sud-africain Zef résume la démarche d’Inna Kostyantynivna et de Tatyana Wanczycki, deux ex-Femen reconverties dans l’electro-clash avec la volonté de rallier la «mazhory», terme argotique désignant la jeunesse dorée ukrainienne qui parade sur Khreshchatyk, rue centrale de Kiev. Inna et Tatyana, issues de la classe ouvrière, arborent les tenues et accessoires de mode des grands couturiers qu’elles détournent à coups de ciseau et de patch trash (phallus sur tailleur Versace, squelette sur sac Vuitton, majeur dressé sur chandail Chanel, etc.). Cette perversion des signes extérieurs de richesse symbolise leur dégoût pour une clique de têtes à claques, descendants d’anciens apparatchiks ou héritiers d’industriels parfois véreux, pissant sur leurs concitoyens le champagne bu à la paille dans les discothèques de la capitale. Une critique sociale née de leur engagement au sein des Femen, à l’époque où elles trimballaient leur frimousse de zibeline et leurs petits seins ronds dans le sillage d’Anna Hutsol, mais qui s’est radicalisée depuis qu’elles ont quitté le mouvement de manière irrévocable, écœurées par la misogynie putassière de Viktor Sviatski, éminence grise et fondateur des Femen. Loin des riffs cinglants de Pussy Riot, l’univers de Katalov est un savant collage de cold wave pour les paroles aux accents crépusculaires qui sondent les entrailles de Kiev à la manière d’un Dostoïevski contemporain, et de technopop pour les arrangements fougueux et joyeux rappelant Yellow Magic Orchestra et The Plastics. Produit par l’Allemand Helmut Josef Geier, l’album est touché par la grâce quand survient «Ще не вмерла України», reprise de l’hymne national ukrainien non pas seulement détourné par un Minimoog Voyager mais sublimé par les voix de contre-alto d’Inna et de Tatyana, qui, le temps d’une plage apaisée, renouent avec leur innocence d’enfant.