Klee — Kill Your Darlings

Sous les gravats de l’empire déchu, une pépite. Nouveau prodige de la scène indie autrichienne, Klee a pris tout le monde par surprise. Non pas que le groupe soit né en territoire vierge – on se rappelle tous des rockeurs à peau dur de Rentokil, Summoning et Die Verbannten Kinder Evas. Mais entre la rencontre des musiciens sur les bancs de l’Université de Klagenfurt et la sortie de leur premier album, six mois seulement se sont écoulés. La fulgurance du «phénomène Klee» est d’autant plus remarquable qu’il s’appuie sur une maturité peu commune chez des gamins de 19-20 ans, tous inscrits à la Faculté des sciences économiques et d’informatique, sauf le chanteur Matthias Klinger, apprenti grutier. Là où d’autres auraient choisi de rôder leurs compositions sur le campus, le sextuor a voulu se confronter d’emblée à l’épreuve du studio. Résultat: une collection de perles aux guitares rutilantes qui réhabilitent le stop-and-go des Pixies («Blue» comme un clin d’œil à «River Euphrates»), avec une touche locale (allusion au dragon de Neuer Platz dans «Satan Is A Poet») et un délitement progressif des sons qui fait de «Kill Your Darlings» un trait d’union entre «Surfer Rosa» et «In Utero» – excusez du peu! Steve Albini ne renierait sans doute pas «Dolly» ou «Blow!», éruption contrôlée de testostérone (le solo à une note du premier morceau, la puissance de la caisse claire du second). Attention toutefois à ne pas classer le groupe de Carinthie dans le sous-genre du pop punk. Le combo est certes plus malin que virtuose, mais Klinger la belle gueule ose une réflexion sur la place du désir dans la société à travers des textes où pointe l’influence de Zweig et Apollinaire. Une critique un peu théorique du «tout, tout de suite», mais qui fait mouche grâce à la sobriété de la production.