FACE A Ben Ali’s Mother (5:21) Motorway To The Ocean (4:48) Bab El Oued (6:39) Kasbah (6:07) Crooked Beats (7:48) |
FACE B Jump (4:27) Paul Bowles Friends (3:19) Never Trust A Dying Ermit (5:16) Summer 57 (10:12) Coda (0:07) |
Trip, «voyage»; on le devine prodigieusement cérébral à l’écoute de cet étonnant trio d’Helvètes nichés (engloutis?) au fond d’une vallée borgne du canton des Grisons. On est en Suisse romanche, la ville de Coire, précisément. Il faut imaginer le décor, sans quoi on ne saisit pas la nature du saut créatif jusqu’à ce «Trip to Casa». Ville encaissée, on ne les voit jamais ces sommets culminant à 3000 mètres. Tout en bas, parallèle à la semi autoroute filant vers les prestigieuses stations de Davos, Arosa, et Saint-Moritz, il y a une rivière aussi, figée dans le givre de novembre à avril car le soleil est avare et les températures rarement au-dessus de 0°C en ces terres préalpines. Brrr! Devant si peu de chaleur, on a vite fait de prendre «Casa» pour ce qu’elle n’est pas: «Casablanca». Le trip, s’il parcourt des kilomètres, n’engage aucun déplacement vers le sud, Maroc ou ailleurs. «Casa», maison, sur place. Cathédrale de roche et de glace à partir de laquelle Collerette développe son univers pointilliste et diffracté. Cette musique donc, vrai «trip» où l’auditeur assiste impuissant au démembrement du diktat de la mélodie. Si n’était que ça: Hans-Peter Tschudi, Peter Kraus et Jens Wolframm (tous étudiants à l’Ecole d’infirmiers de Coire) y ajoutent la perversité d’ouvrager des mélodies simples, belles et minutieuses pour mieux les détraquer. On pense au «Andorra» de Caribou, à la house minimale d’un Rajko Müller (Isolée), à celle plus martiale d’Underworld. Déconstruction savante, chirurgicale, ressassement obligé dans l’absence de perspectives. Il y a ceux qui prennent des explosifs pour faire sauter la montagne, Collerette préfère les instruments du tailleur de pierre, dont le travail sur la masse finit par la réduire en dentelle.